Auteur :
Arianna Norcini Pala
Responsabile Programmi Europei e Nazionale at RAM –Logistica, Infrastrutture e Transporti Spa
Date : 25.11.2021
Lecture : 8 min.
Le rôle du transport maritime courte distance dans le cadre du réseau RTE-T du bassin de la Méditerranée occidentale
Introduction
Le transport maritime joue un rôle clé pour l’économie européenne, contribuant à transporter 75 % de son commerce extérieur et assurant des flux commerciaux fluides et efficaces à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union européenne.
Le secteur maritime européen relie le continent aux régions périphériques et aux îles de l’Europe, tout en facilitant et redistribuant les flux commerciaux vers et depuis les réseaux réseaux de routes terrestres.
Dans ce cadre, le transport maritime à courte distance (SSS) représente environ 65 % du trafic total de marchandises parmi les 335 ports maritimes appartenant au réseau transeuropéen de transport (RTE-T) (D’après les données d’Eurostat sur le transport maritime).
Dans ce scénario, le programme Autoroutes de la mer (MoS) est le pilier maritime du RTE-T. Il s’appuie sur le réseau central et global de ports et de centres logistiques européens ainsi que sur les corridors du réseau central RTE-T.
En 2018, les 335 ports du RTE-T ont traité près de 4 milliards de tonnes de marchandises au total (y compris le trafic hauturier). Près des trois quarts de ce volume ont été traités dans l’un des 84 ports du corridor du réseau central (CNC), démontrant l’interconnexion des ports maritimes sur le RTE-T. Il est important de souligner que, sur le fret mondial traité, 2,5 milliards de tonnes étaient liées au SSS, démontrant sa pertinence au niveau européen.
Compte tenu des tendances actuelles et des nouveaux moteurs législatifs du secteur maritime, la poursuite du développement d’un secteur SSS performant et durable en Europe est nécessaire pour la mise en œuvre de l’espace maritime européen (EMS) qui relie et intègre les corridors et plus encore largement, le réseau des ports du RTE-T, à travers la modernisation des routes maritimes à courte distance et le développement des ports maritimes et de leurs connexions avec l’arrière-pays.
Les particularités régionales, les problèmes et les opportunités doivent donc être pris en considération lors de l’élaboration de l’EMS. Dans le cadre du plan de mise en œuvre détaillé pour le MoS (DIP MoS) élaboré par le professeur Kurt Bodewig (coordinateur européen du MoS), on a distingué six grands bassins maritimes : la mer Baltique, la mer du Nord, l’océan Atlantique, la Méditerranée occidentale et orientale et la mer Noire.
Les liaisons Ro-Ro dans les ports CNC de la Méditerranée occidentale prolongent les corridors Nord-Sud vers l’Afrique du Nord. Il y a un échange entre les CNC et le MoS.
Il existe 15 ports de corridors de réseau central (CNC) en Méditerranée occidentale qui traitent plus de 500 millions de tonnes par an. Cinq ports traitent plus de 50 millions de tonnes : Algésiras, Marseille, Valence, Barcelone et Gênes. La part du trafic de conteneurs est plus élevée que dans toute autre gamme de ports, atteignant 42 % en moyenne dans le bassin. Cela est dû en partie aux grands hubs de transbordement (Algésiras, Gioia Tauro et Valence), mais aussi à une part élevée de conteneurs dans le trafic régional de l’arrière-pays.
Ports CNC et service roulier (ro-ro) régulier en Méditerranée occidentale, 2018
Source : Commission européenne, DIP MoS, 2020
Les perspectives de développement du SSS dans le cadre du Green Deal européen
Le « Green Deal européen » fournit une feuille de route avec des actions pour stimuler l’utilisation efficace des ressources en passant à une économie propre et circulaire, arrêter le changement climatique, inverser la perte de biodiversité et réduire la pollution.
Le SSS jouera un rôle clé dans ce processus et aura accès à de nombreuses opportunités de financement dans le cadre du « Mécanisme de transition juste » mobilisant plus de 100 milliards d’euros sur la période 2021-2027 pour atteindre une UE « climatiquement neutre » d’ici 2050.
Une intégration complète entre le SSS et les autres modes de transport est un objectif prioritaire de la politique des transports de l’UE. En particulier, le SSS jouera un rôle important dans la réalisation de l’objectif de transport de l’UE, consistant à réduire 60 % des émissions de gaz à effet de serre, générées par les transports, d’ici 2050 et le transfert de 30 % du fret routier sur 300 km vers d’autres modes d’ici 2030.
Cependant, les plans de la Commission et les efforts de toutes les autres parties prenantes ont été entravés par la récente crise de Covid-19, qui a retardé bon nombre des politiques susmentionnées et a un impact économique négatif sur tous les secteurs, y compris SSS.
En particulier, selon l’EMSA, le nombre d’escales de navires dans les ports de l’UE a diminué de 13 % au cours des 45 premières semaines de 2020 par rapport à la même période en 2019. Les secteurs les plus touchés ont été les pétroliers chimiques, les navires de croisière et les navires à passagers. Pendant ce temps, le nombre de vraquiers, de porte-conteneurs, de marchandises générales, de pétroliers et de cargos rouliers a connu une baisse relativement plus faible (jusqu’à 5 %).
Dans ce scénario, la Méditerranée occidentale doit être conçue comme une zone macroéconomique de continents, plutôt que de nations, pour laquelle il est nécessaire d’identifier des politiques environnementales maritimes communes (par exemple, le Green Deal). Dans ce cadre, SSS peut jouer un rôle très important dans la nouvelle planification maritime mondiale.
De plus, il y a une inversion claire du processus de délocalisation des entreprises dans l’ère post-Covid-19 actuelle. En raison des retards de communications, des difficultés à faire des livraisons et de l’augmentation du coût de la main-d’œuvre et des taux de fret en Asie, l’Afrique du Nord et une partie de l’Europe, deviennent de plus en plus attrayantes pour les entreprises. En raison de ce changement, il est possible de voir que la consommation et la production se rapprochent.
Les phénomènes de délocalisation, notamment vers les ports africains (Ports Francs) ont un impact positif sur les pays infra-méditerranéens en termes de croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) et de flux de trafic maritime, y compris SSS, compte tenu à la fois des dimensions et des caractéristiques des ports individuels. Cette tendance est également liée au développement de systèmes intégrés tels que Tanger Med et de plateformes d’hydrogène vert, en ligne avec le Green Deal européen et dans le cadre de la création d’un pôle d’énergie verte. La possibilité de ramener l’industrie de la construction navale dans la zone Med est un autre aspect important qui devrait être pris en considération, notamment en Turquie, en Italie, à Malte et en France.
La stabilité géopolitique des pays voisins tels que la Libye, la Syrie et le Liban, pourra contribuer aussi bien à la croissance du PIB de la région, à l’augmentation des flux de trafic et à la redistribution du système de production, compte tenu de la poussée de Next Génération EU et des Plans Nationaux de Relance et de Résilience en conformité avec les politiques environnementales existantes dans le secteur des transports. Ce développement pourra avoir un effet de rééquilibrage vers les politiques migratoires, principalement dans les pays d’Afrique du Nord.
Politiques habilitantes et mesures de facilitation : Programme éco-incitatif transméditerranéen
Afin de soutenir le développement du MoS dans le bassin méditerranéen occidental, un système d’éco-incitation trans-méditerranéen serait accordé aux utilisateurs des services maritimes, suivant l’approche italienne Ecobonus (2007-2010) qui est reconnue comme une bonne pratique par la Commission européenne (CE) et la Cour des comptes européenne (ECA), et le Marebonus (2018-2020/2021). Les deux incitations sont dédiées aux opérateurs choisissant une option plus verte par un mécanisme simple : les transporteurs routiers choisissant d’effectuer une partie de leur voyage par la mer, au lieu d’utiliser uniquement l’option routière, peuvent bénéficier d’une incitation, égale à maximum 30 % du billet payant pour la partie maritime du voyage.
En particulier, l’incitation Ecobonus visait à soutenir les entreprises de transport routier et l’utilisation du transport maritime, afin de déplacer le trafic de conteneurs de fret lourd de la route vers les routes maritimes. Marebonus incentive vise à développer le mode de transport combiné route-mer en créant de nouveaux services maritimes, tout en mettant en œuvre ceux qui existent déjà.
En particulier, il est dédié aux armateurs proposant des projets triennaux de développement de nouveaux services maritimes Ro-Ro et Ro-Pax, au moyen de navires immatriculés pour le transport multimodal de marchandises, naviguant sous pavillon d’un État membre ou d’un Espace économique européen (EEE) ; ou aux projets d’amélioration des mêmes services sur les routes existantes, de/vers les ports italiens, les ports de connexion situés en Italie ou dans les États membres de l’UE ou membres de l’EEE, afin de soutenir la mise en œuvre de la chaîne intermodale et la réduction de la congestion du trafic routier. L’incitation a été estimée sur la base du nombre de remorques, multiplié par la distance (en km) soustraite à la viabilité routière italienne, y compris les frais généraux d’une partie du montant reçu pour favoriser les entreprises de transport routier utilisant des services maritimes.
Même si cette incitation varie d’une année à l’autre, elle prévoit un maximum de 10 centimes d’euros pour chaque unité embarquée multiplié par les kilomètres de route, moins la route parcourue. Il existe une obligation de renverser au moins 70 % de la prime accordée aux utilisateurs du service effectuant au moins 150 embarquements par an et au moins 80 % de la prime accordée aux utilisateurs ayant au moins 4 000 unités embarquées par an.
Pour certains itinéraires de congrès, le renversement s’élève à 100 %. Les cotisations sont versées annuellement sur la base du solde final de chaque période de 12 mois, après présentation du dossier de déclaration contenant la preuve des unités effectivement embarquées.
Il existe des limites au montant de l’incitatif accordé, telles que :
- 30 % des coûts d’exploitation du transport maritime
- 50 % du différentiel de coût entre les externalités du transport routier et maritime.
Suite à ces expériences positives, un programme d’incitation de l’UE pour le transport combiné maritime routier a été formulé dans le cadre d’un projet européen “Med Atlantic Ecobonus” (MAE) qui a été cofinancé par le Connecting Europe Facility Programme (CEF 2014 – 2020) et promu par les ministères des transports d’Italie, d’Espagne, de France et du Portugal.
A travers ce projet, un mécanisme a été identifié, qui est en parfaite synchronisation avec l’agenda et les priorités du New Green Deal. Il permet d’inciter directement la demande de MoS, via la reconnaissance d’un bénéfice économique pour les utilisateurs finaux, agissant, d’une part, sur le levier du report modal et, d’autre part, incitant indirectement les armateurs à investir dans le verdissement de leurs flottes et dans l’amélioration de leurs performances environnementales. En d’autres termes, le principe de base est que les transporteurs routiers qui choisissent d’utiliser l’alternative du tronçon maritime, au lieu de l’option tout-route, seront incités et les opérateurs maritimes qui investissent dans la durabilité environnementale de leurs itinéraires recevront également une incitation.
Le dispositif incitatif du MAE vise à inciter directement les transporteurs routiers à emprunter les itinéraires proposés par les armateurs avec une incitation proportionnelle aux économies de CO2. Le dispositif repose notamment sur un système de double appel à propositions. Le premier appel est destiné aux armateurs souhaitant soumettre les routes sur lesquelles ils proposent des services MoS et le second appel est adressé aux transporteurs routiers utilisant les routes MoS incitatives.
La Commission européenne montre un intérêt croissant pour la formulation de ce régime incitatif pour le transport combiné route – maritime.
De plus, un calculateur de coûts externes a été spécialement conçu pour mesurer et monétiser le mérite socio-environnemental qui est incité sur la base de références communes, avec le manuel de la CE sur les coûts externes des transports comme principal élément. Le mérite d’être incité est l’économie de coûts externes des unités de fret, utilisant le MoS amélioré, par rapport à l’alternative routière uniquement.
Par ailleurs, MoS a un rôle clé à jouer dans la décarbonation de l’économie européenne, en soutenant les efforts environnementaux par l’innovation et la décongestion des routes. En outre, la décongestion des routes contribue grandement non seulement aux objectifs de durabilité, mais stimule également la réduction des coûts externes, par ex. en réduisant efficacement le nombre d’accidents et le temps d’attente.
En outre, il est important de souligner que le régime d’incitation présenté peut être considéré comme une aide d’État, au sens de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) étant, en fait, une aide accordée par les États membres « en sous quelque forme que ce soit, qui fausse ou menace de fausser la concurrence, en favorisant des entreprises ou des produits particuliers ». Cette définition inclut, en plus des aides fournies par les différents États au niveau national, également des fonds éventuellement subventionnés par l’Union européenne mais gérés par les États membres.
La position de la CE sur les aides d’État dans le secteur maritime est représentée dans la Communication C(2004) 43 de la Commission européenne sur les « orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime » et la Communication (2008) 317 de la Commission européenne prévoyant « orientations sur les aides d’État complémentaires au financement communautaire pour le lancement des autoroutes de la mer ».
Les communications susmentionnées devraient être révisées, afin de mettre sur un pied d’égalité le transport maritime intermodal et le transport ferroviaire, étant donné que le même régime d’incitation, s’il est appliqué au secteur ferroviaire, n’est pas considéré comme une aide d’État. C’est important de dépasser la limite actuelle d’incitation uniquement des activités à la création d’entreprises, pour garantir la possibilité pour les États membres de financer directement et indépendamment les incitations au MoS pendant au moins 5 ans et de travailler avec d’autres pays de la Méditerranée occidentale sur une base juridique commune permettant à chaque nation d’encourager correctement le développement du MoS.
Enfin, il est important de souligner que le schéma de financement innovant proposé peut être facilement étendu et appliqué aux systèmes multimodaux, en vérifiant les différentes options d’itinéraire entre une origine et une destination données en utilisant les seules options routières, ferroviaires ou MoS et en favorisant le mode le plus durable.
Liste de référence
Communiqué C(2004) 43 de la Commission européenne sur les « Orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime ».
Communiqué C(2008) 317 de la Commission européenne fournissant « des orientations sur les aides d’État complémentaires au financement communautaire pour le lancement des autoroutes de la mer.
INEA Agency; Mai 2020, CEF support the Maritime sector and Motorways of the Sea, Récupéré du https://ec.europa.eu/inea/sites/default/files/cefpub/cef_transport_2020-corridor-report_maritime-mos_metadata.pdf
Kurt Bodewig, June 2020, Motorways of the Sea Detailed Implementation Plan of the European Coordinator, Retrieved from https://www.onthemosway.eu/
Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil du 18 juillet 2018 relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union.
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