Auteurs:
Alberto Palacios Cobeta et Jordi Selfa Clemente
Directeur technique et Analyste senior au CETMO
Date: 28.06.2022
Lecture: 12 min.
En 2020, le transport en Méditerranée occidentale a été indéniablement affecté par l’apparition de la pandémie de COVID-19. Les confinements de populations, la nécessité d’assurer la sécurité sanitaire lors des opérations, tant pour les passagers que pour les travailleurs, et les changements dans les modes de production et de consommation ayant découlé de la situation inattendue ont soumis le secteur du transport et de la logistique à une véritable épreuve de stress afin de faire face aux nouveaux scénarios et aux imprévus.
Le transport de marchandises s’est largement adapté aux nouvelles conditions. Bien que l’activité des flux entre les deux rives de la Méditerranée ait diminué au cours des premiers mois de la pandémie, à la fin de l’année, les volumes avaient repris. En ce qui concerne les flux de passagers, au contraire, plusieurs mois après la pandémie, ils sont encore bien inférieurs aux niveaux des années précédentes, quand ils n’ont pas tout bonnement disparu.
Toutefois, outre les effets directs de la pandémie sur ces flux et leur organisation, l’année 2020 a brusquement mis en évidence le processus réel et continu de transformation que le transport subit depuis plusieurs années et continuera à subir à l’avenir. La transition énergétique, la numérisation des processus et la capacité d’adaptation aux événements perturbants, qui figuraient déjà à l’ordre du jour des décideurs par le passé, ont pris une nouvelle importance en 2020. Ensemble, ces trois processus constituent un nouveau paradigme qui guidera la planification des transports dans les années à venir. Ces trois processus sont cependant soumis à de hauts niveaux d’incertitude.
En Méditerranée occidentale, la nécessité de prendre en compte les éléments de ce nouveau paradigme dans la planification des transports prend de plus en plus d’importance compte tenu de la position de la région dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, du mode d’intégration économique entre les deux rives (dont les niveaux de développement divergent grandement), et des effets prévus du changement climatique qui indiquent que le bassin méditerranéen sera l’une des zones les plus touchées.
Ce contexte appelle de nouvelles politiques, qui dans de nombreux cas ont déjà été esquissées, mais également de nouveaux outils de planification et d’action capables non seulement de prendre en compte les différents espaces, échelles et niveaux de développement dans lesquels s’insèrent les flux de transport et les infrastructures associées en Méditerranée occidentale, mais aussi de gérer les très hauts niveaux d’incertitude.
Décarbonisation, numérisation et adaptation : défis et incertitudes
Comme indiqué, parallèlement à l’évolution de la pandémie et à l’adaptation des transports afin de maintenir le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement aux moments les plus critiques, la planification et les prévisions pour la « nouvelle normalité » reflètent clairement le processus de transformation auquel est confronté le secteur du transport et de la logistique. Pour preuves de ce processus de changement accéléré, certaines des communications de la Commission européenne expliquant la nécessité de changements majeurs dans l’organisation des transports et la révision du réseau transeuropéen de transport, lancée en avril 2019, ainsi que plusieurs autres initiatives, plans et processus déjà initiés au cours des années précédentes. Dans ce contexte, trois lignes peuvent être identifiées comme les moteurs de ces changements : le processus de décarbonisation, la numérisation des transports et de la société, et la nécessité de s’adapter aux nouvelles perturbations, notamment celles découlant du changement climatique.
Les perspectives de développement des pays du Maghreb, notamment la croissance des zones urbaines, le degré d’informalité dans le secteur du transport et le manque d’accès au financement, constituent des obstacles à l’adoption de processus de décarbonisation plus ambitieux.
La décarbonisation des transports avait déjà été amorcée avant le début de la crise sanitaire et incluse dans la planification et les mesures relatives aux transports. En effet, le pacte vert pour l’Europe[1], publié fin 2019, et sa stratégie de mobilité durable et intelligente[2], présentée en décembre 2020, ne font que redoubler d’ambition pour atteindre les réductions d’émissions de gaz à effet de serre auxquelles elle s’est engagée sur la base de l’Accord de Paris de 2015. Cette ambition se traduit par la proposition d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050, une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990 et, plus spécifiquement dans le cas des transports, une réduction de 90 % des émissions de CO2 d’ici à 2050. La stratégie consiste à rendre tous les modes de transport plus durables, à accepter le fait que tous les modes doivent contribuer à la mobilité future, à rendre les alternatives durables plus accessibles et à fournir des incitations économiques appropriées, notamment par l’intégration des coûts externes.
Les pays de la rive sud de la Méditerranée se trouvent dans une situation similaire, mais leurs niveaux d’ambition et leurs mesures diffèrent selon leur situation. Au Maroc, par exemple, la proposition de réduction des gaz à effet de serre est de 17 % par rapport aux émissions prévues en 2030 dans un scénario sans action aucune. Les mesures portent essentiellement sur des actions liées au parc de véhicules, au transport urbain et à l’amélioration de l’efficacité logistique[3]. Les perspectives de développement des pays du Maghreb, notamment la croissance des zones urbaines, le degré d’informalité dans le secteur du transport et le manque d’accès au financement, constituent des obstacles à l’adoption de processus de décarbonisation plus ambitieux.
Des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ont également été fixés pour le transport maritime, un mode de transport essentiel dans le cadre des flux entre les deux rives de la Méditerranée occidentale. Et notamment, la stratégie initiale de réduction des émissions adoptée par l’Organisation maritime internationale (OMI) en avril 2018 propose une réduction d’au moins 40 % d’ici 2030 et de 70 % d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 2008[4]. Parallèlement, bien que cela ne soit pas directement lié à l’atténuation du changement climatique, il a été proposé que la Méditerranée soit désignée comme une zone de contrôle des émissions[5] afin de réduire la pollution atmosphérique. Cela impliquera l’adoption de nouvelles technologies énergétiques à bord des navires, nécessitant alors d’apporter des modifications non seulement au regard des navires eux-mêmes, mais aussi de l’infrastructure d’approvisionnement en énergie dans les ports.
La nécessité de décarboniser les transports étant devenue évidente ces dernières années, un nouveau paradigme technologique a émergé dans les secteurs de la production et du transport, basé sur la numérisation. Il consiste en l’adoption de technologies innovantes et suffisamment matures, capables de transformer de nombreux processus liés au transport, de la conduite de tous les types de véhicules à la gestion et à l’échange d’informations et de documents. La numérisation entraîne également des changements importants dans les processus de production et de consommation du système lui-même et, par là même, dans leur organisation logistique. La Commission européenne a souligné les possibilités offertes par l’intégration de ces technologies au secteur du transport dans sa communication sur la stratégie pour une mobilité durable et intelligente, qui considère la nécessité d’exploiter les solutions numériques et les systèmes de transport intelligents afin d’améliorer considérablement le fonctionnement de l’ensemble du système de transport, y compris ses aspects environnementaux. Elle a également souligné la nécessité de mettre en place des mesures permettant de créer des conditions favorables à l’adoption de ces technologies, dont les principales sont la disponibilité, l’accès et la modification des données.
Si l’année 2020 nous a bien montré quelque chose, c’est l’exposition de la société, et en particulier du secteur du transport, à des situations perturbatrices.
La nécessité d’adapter le système de transport à d’éventuelles nouvelles perturbations est encore plus évidente à la lumière des possibles effets du changement climatique.
Cela se reflète dans le processus de révision du réseau transeuropéen de transport[6]. L’un des problèmes actuellement identifiés est le manque de préparation du réseau à l’adoption de changements technologiques, la planification des infrastructures s’étant traditionnellement concentrée sur les aspects physiques et la nécessité de mettre en œuvre de nouvelles structures qui assurent le déploiement de l’automatisation et d’autres technologies de transport innovantes.
Les pays de la rive sud considèrent également que la numérisation est essentielle au développement et au bien-être de leurs sociétés en général et des transports en particulier[7]. Cependant, le processus de numérisation et l’adoption des nouvelles technologies, tant au Maghreb que dans l’ensemble de l’Afrique, nécessiteront des efforts importants en termes de formation du capital humain, de préparation des entreprises et de financement[8].
Toutefois, si l’année 2020 nous a bien montré quelque chose, c’est l’exposition de la société, et en particulier du secteur du transport, à des situations perturbatrices. L’émergence de la COVID-19 a nécessité un processus d’adaptation rapide du système de transport à des situations inattendues qui ont radicalement modifié la manière dont il avait fonctionné jusqu’alors. La nécessité d’adapter le système de transport à d’éventuelles nouvelles perturbations est encore plus évidente à la lumière des possibles effets du changement climatique. En effet, le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat sur les océans et la cryosphère[9], ainsi que le premier rapport sur ses effets spécifiques en Méditerranée[10], montre l’impact que l’augmentation des événements météorologiques extrêmes dans les années à venir pourrait avoir sur les infrastructures, les opérations et les services en Méditerranée occidentale et place la Méditerranée comme l’une des régions les plus touchées par la fréquence croissante de ces phénomènes.
La nécessité de mettre en place des mesures d’adaptation se reflète dans la nouvelle stratégie de l’Union européenne relative à l’adaptation au changement climatique présentée en février 2021[11], ainsi que dans plusieurs propositions sectorielles sur les différents modes de transport élaborées ces dernières années qui mettent l’accent sur la préparation à l’adaptation, l’évaluation des risques et vulnérabilités climatiques, l’identification et les options d’adaptation, ainsi que leur évaluation, leur mise en œuvre et leur suivi[12]. L’augmentation des connaissances et de la sensibilisation aux impacts potentiels et aux options d’adaptation rendent la diffusion et le partage des informations et des connaissances entre les différentes parties prenantes clairement vitaux. Cela est d’autant plus essentiel en Méditerranée, où ces acteurs partagent des défis et des menaces communs.
La transition énergétique, le processus de numérisation et l’adaptation au changement climatique et aux autres perturbations sont les trois vecteurs qui façonnent et continueront de façonner la transformation du secteur du transport et de la logistique dans un avenir proche. Ces processus sont eux-mêmes très incertains quant à la forme, au rythme et à l’intensité qu’ils prendront à différents horizons temporels. Au niveau de la Méditerranée occidentale, il convient de les considérer dans leur contexte (forts contrastes sociaux et politiques, ainsi qu’en termes de capacité financière) et de s’efforcer de coopérer au niveau mondial et régional afin de planifier les actions à entreprendre pour y faire face. En cas contraire, les systèmes de transport et de logistique de chaque rive pourraient évoluer de manière nettement divergente, ce qui compliquerait davantage s’il en est le processus déjà difficile d’intégration méditerranéenne.
Nouveaux besoins et outils de planification des transports
Dans ce contexte, il est nécessaire de rechercher et de concevoir des outils appropriés pour faire face aux défis et aux incertitudes posés par un système de transport, tel que celui de la Méditerranée occidentale, qui pourrait diverger entre les deux rives si aucune approche intégrée n’est adoptée. Afin d’encadrer les besoins de planification en prenant en compte la Méditerranée occidentale dans son ensemble, certaines prémisses doivent être prises en compte :
– La coordination des chaînes logistiques, dont les différents segments ne doivent plus être considérés comme indépendants : besoins de coordination des flux d’informations, de la transition énergétique, etc.
– Les structures de coordination et de coopération entre les opérateurs d’initiatives et de services pour s’adapter aux changements afin d’apporter des réponses communes aux défis partagés : réponses aux perturbations ou aux adaptations, capacité à partager l’information et à définir des stratégies, politiques communes.
– Un système de gouvernance régionale capable d’une intégration intercontinentale et internationale, mais aussi interscalaire et intermodale.
En ce sens, les corridors multimodaux sont un outil de planification et de gouvernance des transports, car ils permettent l’adoption de différents types de mesures, technologies et solutions de diverses échelles à travers les infrastructures utilisées pour canaliser les grandes chaînes logistiques, les flux et les itinéraires de transport, tout en facilitant la coordination entre les différents territoires et les autres corridors.
Cela a été le cas, par exemple, dans l’Union européenne, dans le cadre du développement du réseau transeuropéen de transport, dans lequel les corridors du réseau central sont définis comme suit [13]:
- Afin de mettre en place le réseau central dans les délais fixés, une approche par corridors pourrait permettre de coordonner différents projets sur une base transnationale et de synchroniser le développement de corridors, maximisant ainsi les bénéfices pour le réseau. […]. Les corridors de réseau central devraient permettre de développer l’infrastructure du réseau central de manière à éliminer les goulets d’étranglement, à améliorer les liaisons transfrontalières et à accroître l’efficacité et la durabilité. Ils devraient contribuer à la cohésion grâce à une coopération territoriale renforcée.
- Les corridors de réseau central devraient également répondre aux objectifs politiques plus larges en matière de transport et faciliter l’interopérabilité, l’intégration modale ainsi que les opérations multimodales. Ceci devrait permettre d’établir des corridors de conception spécifique qui offrent des performances optimales en termes d’émissions, ce qui minimisera les incidences sur l’environnement et augmentera la compétitivité, et qui soient également attrayants par leur fiabilité, le niveau raisonnable des encombrements et leurs faibles coûts de fonctionnement et frais administratifs. L’approche par corridors devrait être transparente et sans équivoque et la gestion de ces corridors ne devrait pas entraîner de charges ou de coûts administratifs supplémentaires.
Conformément à ces deux articles du règlement de l’UE, la figure du coordinateur du corridor est établie pour « faciliter les mesures visant à concevoir la structure de gouvernance adéquate et à identifier les sources de financement, tant privées que publiques, pour les projets transfrontaliers complexes relevant de chaque corridor de réseau central ».
Dans une stratégie similaire, la CNUCED[14] promeut les corridors routiers transafricains en qualité d’outils de développement pour les pays du continent. Si les efforts sont principalement axés sur l’achèvement d’infrastructures physiques souvent inexistantes, les outils de gouvernance et de gestion des corridors sont néanmoins considérés comme essentiels afin de parvenir à la mise en œuvre complète des réglementations, des politiques et des technologies de l’information, de l’harmonisation et de la simplification des échanges d’informations. Tout cela, faut-il le rappeler, dans un contexte politique et un développement social et économique complètement différent de celui de l’Union européenne.
L’un des corridors envisagés par la CNUCED est le corridor Le Caire-Dakar, qui longe la côte sud de la Méditerranée et une partie de l’Atlantique africain jusqu’à la capitale du Sénégal. Cette infrastructure routière fait partie du corridor multimodal transmaghrébin, défini par l’UMA dans les années 80 et promu par le groupe des ministres des transports de la Méditerranée occidentale, qui est la pierre angulaire pour garantir les échanges terrestres entre les pays de la région. Les efforts déployés au cours des dernières décennies ont considérablement modernisé les infrastructures terrestres, et une grande partie du réseau routier et ferroviaire offre désormais une grande capacité. Toutefois, d’importantes questions doivent encore être résolues, notamment celles relatives aux tronçons transfrontaliers, afin de parvenir à une infrastructure continue entre les pays. Il est également nécessaire de poursuivre la modernisation du réseau de ports et de terminaux à des fins d’échange modal, car malgré le développement de nouvelles infrastructures, certains ports ne disposent toujours pas des infrastructures nécessaires à la gestion des flux actuels.
La modernisation des infrastructures de ce corridor, ainsi que leur exploitation, leur gestion et leur gouvernance, est essentielle au processus de transformation du transport au Maghreb. Leur développement peut largement assurer la capacité nécessaire aux pays du Maghreb pour aborder avec succès les processus de décarbonisation, de numérisation et d’adaptation qui sont déjà en cours dans le secteur du transport. L’adoption réussie de ces processus dépendra de l’insertion optimale du système de transport maghrébin dans les chaînes et les flux logistiques régionaux et mondiaux, notamment ceux qui relient l’Afrique du Nord à l’Union européenne. En ce sens, il s’avère fondamental de mettre en place des mécanismes de planification adéquats visant à établir le corridor transmaghrébin en tant qu’infrastructure insérée dans des conditions techniques égales au sein d’autres réseaux plus larges. D’où la nécessité de concevoir le corridor comme une unité de planification et de coordination de diverses mesures touchant différents espaces, échelles, modes ou technologies.
Les défis à relever pour réaliser cette conception du corridor transmaghrébin en tant qu’outil de planification et de coordination sont considérables. Par exemple, contrairement à l’Union européenne, le manque d’intégration politique entre les pays du Maghreb est une réalité. Mais les défis à relever pour adapter efficacement le corridor aux nouvelles conditions de transport ne sont pas moins décourageants. Outre l’incertitude entourant les évolutions technologiques liées à la décarbonisation, à la numérisation ainsi qu’aux effets et au rythme du changement climatique, le processus nécessitera des financements que les pays ne seront probablement pas en mesure de fournir.
L’objectif de l’Union européenne de devenir un leader mondial dans le processus vers la durabilité exprimé dans le pacte vert pour l’Europe implique, entre autres, une coopération technique et financière avec les pays voisins du sud et avec l’ensemble de l’Afrique, qui doit faire de la transformation du secteur du transport au Maghreb l’un de ses principaux piliers. Cela se reflète également dans la stratégie pour une mobilité durable et intelligente, qui reconnaît le transport comme un secteur clé de la politique de voisinage et expose l’intention de renforcer cette politique par le soutien, la coopération technique et l’extension du réseau transeuropéen de transport. Ce dernier élément est considéré comme essentiel aux fins de l’extension des politiques européennes de transport à ses voisins méditerranéens, et notamment aux autoroutes de la mer, qui font partie du réseau transeuropéen de transport. L’extension de ce réseau et la prise en compte des relations avec le corridor multimodal transmaghrébin devraient contribuer à la transmission et à la structuration d’instruments, d’outils, de technologies et de solutions, y compris financières, aussi semblables que possible à ceux utilisés dans l’Union européenne. Cette orientation des transports vers le Maghreb et, par extension, vers l’Afrique dans son ensemble, devrait prévenir le développement des systèmes de transport des deux rives de la Méditerranée dans des directions divergentes dans les années à venir, ce qui créerait un nouvel obstacle à l’intégration euro-méditerranéenne et entraverait l’amélioration des relations avec les autres pays d’Afrique.
L’objectif de l’Union européenne de devenir un leader mondial dans le processus implique, entre autres, une coopération technique et financière avec les pays voisins du sud et avec l’ensemble de l’Afrique.
Conclusions
L’émergence de la COVID-19 en 2020 a non seulement perturbé les chaînes logistiques et d’approvisionnement, ainsi que les flux de passagers, mais a également servi à mettre en lumière, voire à accélérer, un ensemble de transformations et de mutations auxquelles le secteur du transport et de la logistique devra faire face dans les années à venir. La décarbonisation, la numérisation et l’adaptation au changement climatique et à d’autres éventuelles perturbations apparaissent comme les trois vecteurs de transformations majeures, ces processus étant soumis à de forts degrés d’incertitude. S’il est vrai que différentes politiques et divers instruments existent pour aborder et adopter avec succès ces processus, tous les pays ne sont pas en mesure de les mettre en œuvre de la même manière et au même rythme. Dans le cas de la Méditerranée occidentale, les différences en matière politique, sociale et économique entre les deux rives peuvent entraîner une divergence telle dans l’évolution du système de transport entre les deux rives qu’elle finira par entraver le fonctionnement intégré des flux de marchandises et de passagers entre le Maghreb et l’Union européenne. Alors que cette dernière s’est dotée d’instruments qui lui permettent de se positionner en qualité de candidate afin de devenir le leader mondial de la promotion des processus susmentionnés, les pays du Maghreb, malgré leurs ambitions, n’ont ni les moyens techniques ni les moyens financiers pour les développer au niveau des aspirations européennes.
Dans ce contexte de perturbation systémique, fort de grandes incertitudes quant à son rythme, les technologies, les impacts ou l’évolution, le fonctionnement et l’adaptation du transport et de la logistique nécessitent une coopération renforcée et des outils de planification communs et coordonnés. Les corridors de transport sont apparus, tant en Europe qu’au Maghreb, comme étant des outils appropriés afin de coordonner et de gérer les nouveaux défis. Le corridor multimodal transmaghrébin n’est pas uniquement une infrastructure qui doit garantir les flux entre les pays qu’il traverse, mais il est également un outil de planification et de coordination aux fins de la transition du secteur du transport. Pour que cela soit efficace, les différentes politiques européennes de transport doivent inclure un soutien technique et financier à ces infrastructures, sans quoi de nouveaux obstacles pourraient surgir entre les deux rives de la Méditerranée occidentale du fait de systèmes de transport présentant de trajectoires technologiques divergentes.
Le corridor multimodal transmaghrébin n’est pas uniquement une infrastructure qui doit garantir les flux entre les pays qu’il traverse, mais il est également un outil de planification et de coordination aux fins de la transition du secteur du transport.
Références
- The European Green Deal. COM(2019) 640 final.
- Sustainable and Smart Mobility Strategy – putting European transport on track for the future. COM(2020) 789 final.
- ITF (2021) Décarboner les Transports au Maroc : Quelques Pistes pour l’Avenir. Rapport d’analyse du Forum international des transports, n° 89, Éditions OCDE, Paris. Royaume du Maroc (2016) Contribution Déterminée au Niveau National dans le cadre de la CCNUCC. Rabat.
- Initial Imo Strategy On Reduction Of GHG Emissions From Ships. Resolution MEPC.304(72).
- Initial Draft Submission To The International Maritime Organization Entitled “Proposal To Designate The Mediterranean Sea Area, [Or Parts Thereof,] As An Emission Control Area For Sulphur Oxides [And Particulate Matter]”. REMPEC.WG.45/INF.10
- Revision of Regulation (EU) No 1315/2013 of the European Parliament and of the Council on Union guidelines for the development of the trans-European transport network.
- La Vie Eco (2019) Transport : la crise du covid-19 impose une digitalisation accrue, acedit 30 abril 2021 https://www.lavieeco.com/actualite-maroc/transport-la-crise-du-covid-19-impose-une-digitalisation-accrue/.
- African Bank Development Group (2019) Unlocking the Potential of the Fourth Industrial Revolution in Africa. Abidjan.
- IPCC (2019) IPCC Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing Climate. In press.
- Medecc (2019) Risk associated to climate and environmental changes in the Mediterranean region. See also Cramer et al. (2018) Climate change and interconnected risks to sustainable development in the Mediterranean. Nature Climate Change 8:972-980, http://dx.doi.org/ 10.1038/s41558-018-0299-2.
- Forging a climate-resilient Europe – the new EU Strategy on Adaptation to Climate Change. COM(2021) 82 final.
- Alguns exemple per modes de transport són: – UIC (2017) RailAdapt. Paris. Accessible a https://uic.org/IMG/pdf/railadapt_final_report.pdf; – PIANC (2020) Climate Change Adaptation Planning for Ports and Inland Waterways. Bruselas. – PIARC (2019) Refinement of PIARC’s International Climate Change Adaptation Framework for Road Infrastructure. Paris.
- Union guidelines for the development of the trans-European transport network and repealing Decision No 661/2010/EU. REGULATION (EU) No 1315/2013.
- CNUCED (2021) Etude régionale sur la Promotion et la Commercialisation du Corridor Routier Transsaharien (RTS), son évolution vers un Corridor Economique et l’établissement d’un Mécanisme de Gestion pertinent. Draft.
Article publié dans l’IEMed Mediterranean Yearbook 2021 (IEMed, 2022)
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