Auteur :
Forum maritime de Malte
Date : 21.12.2020
Lecture : 8 min.
Les problèmes créés par la pandémie de COVID-19 pour le transport et la distribution des marchandises ont pris tout le monde au dépourvu, y compris les principaux transporteurs de conteneurs, et ont nécessité l’introduction de mesures à court terme afin de préserver à la fois la cohérence du cycle logistique et la viabilité financière des transporteurs. La situation qui a évolué entre mars et juin a vu l’effondrement des volumes de marchandises et une situation sans précédent de fermetures de ports (principalement en Chine) qui ont laissé les transporteurs aux prises avec des situations inédites et nécessitant des solutions immédiates.
La récession économique en Chine, due à la réduction de la production et des exportations, a eu un effet immédiat sur la quantité de marchandises disponibles pour l’exportation de l’Extrême-Orient vers le reste du monde. Dès mars, l’ONU a publié une étude dans laquelle elle estimait que la réduction des exportations chinoises avait coûté plus de 50 milliards USD aux autres pays et à leurs industries. Les régions les plus touchées étaient, par ordre de priorité, l’Union européenne, les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud, Taïwan et le Vietnam.
La reprise des exportations chinoises au cours de l’été a été immédiatement contrebalancée par la chute de la demande, notamment en Europe, suite aux mesures de confinement introduites dans les différents pays européens. Le problème s’est donc déplacé de l’offre vers la demande, mais le résultat net est resté le même : une diminution du fret maritime à transporter.
L’effet de cette situation, notamment en Méditerranée, s’est traduit par une baisse du volume de marchandises traitées, estimée entre 35 et 40 %, principalement due aux mesures prises par les principaux transporteurs pour limiter le nombre de voyages dans le but de réduire les coûts d’exploitation
L’effet des voyages à vide sur le transport par conteneurs a été très bien mis en évidence dans l’étude commandée par la CNUCED et intitulée « Covid 19 and Maritime Transport Impact and Responses ». Le graphique ci-dessous, tiré de cette étude, montre l’impact des voyages à vide sur le port de Marsaxlokk (Freeport) à Malte, où les escales hebdomadaires au cours des premier et deuxième trimestres de 2020 ont chuté de 42 % et 39 %, respectivement.
La question des voyages à vide comme outil économique pour endiguer les pertes a donné les résultats escomptés par les transporteurs qui, entre-temps, ont commencé à rapporter des résultats positifs, mais a infligé d’énormes pertes financières aux terminaux, aux transporteurs routiers et aux autres prestataires de services de la chaîne logistique. La mise en place de voyages à vide a réduit l’offre de créneaux disponibles à un moment où les exportations en provenance d’Extrême-Orient ont recommencé à augmenter, ce qui a fait grimper les tarifs de transport de marchandises en raison du peu d’espace disponible. Selon un rapport publié dans le Lloyd’s List du 5 octobre, les tarifs de transport de marchandises entre l’Asie et l’Europe ont atteint un niveau inédit. Il faut s’attendre à ce que les transporteurs de conteneurs, ayant appris à leurs dépens les résultats d’une approche disciplinée, fassent tout leur possible à l’avenir pour maintenir ce mécanisme qui est la parfaite illustration des forces économiques que sont l’offre et la demande.
L’autre tendance qui a évolué tout au long du premier semestre de cette année et qui influence la logistique dans une large mesure est l’achat en ligne de masse. Les confinements, la peur de la contagion et d’autres mesures adoptées par les gouvernements pour réduire les contacts sociaux ont généré une demande de services de livraison à domicile, qui s’est étendue de l’industrie alimentaire à tous les biens de consommation imaginables et qui a été facilitée par la commande en ligne. Ce mouvement de marchandises a entraîné un changement de paradigme dans la logistique du transport de marchandises, le prestataire de services en ligne, associé aux services de messagerie, remplaçant dans une certaine mesure le transitaire et l’agent de ligne dont la tâche était de trouver et de réserver les cargaisons. Les prestataires de services en ligne se sont retrouvés à contrôler un tel volume de marchandises qu’ils ont attiré l’attention des transporteurs de conteneurs qui les considéraient déjà comme des clients potentiels. Cette tendance aura des conséquences considérables sur l’avenir de la logistique, non seulement en Méditerranée mais dans le monde entier. En effet, une fois que le consommateur se sera habitué à la commodité de commander et de payer en ligne avec une livraison garantie dans un délai court, il sera difficile de le dissuader de recourir à ce système et de revenir à des systèmes qui demandent plus de temps pour trouver et garantir la livraison des marchandises.
Cette tendance peut se traduire, notamment en Méditerranée, par une augmentation des services intraeuropéens de transport maritime à courte distance. Cette tendance a mis encore plus en évidence le concept d’intermodalisme en tant que pipeline logistique permettant de canaliser les marchandises entre le producteur et le consommateur. Il faut s’attendre à ce que les marchandises soient acheminées par des moyens de transport rapides tels que les trains, qui sont reliés à des ports qui, à leur tour, facilitent les services de ferries rapides de courte distance
Le transport maritime de bout en bout, en particulier au niveau régional, sera sérieusement remis en question par des solutions intermodales dans lesquelles la mer joue un rôle et ne représente plus l’ensemble du cycle logistique. Un tel scénario ramènera toutefois à la table des discussions européennes les goulets d’étranglement existants qui entravent ou empêchent la circulation rapide des cargaisons, notamment dans les ports. L’absence de guichet unique et d’une union douanière efficace permettant de supprimer les barrières douanières entravera le développement de cette solution intermodale, car le processus logistique s’enlisera dans la bureaucratie et l’inefficacité. Si ce développement suit son cours naturel, le trafic intraeuropéen sera florissant en raison de deux facteurs :
- L’achat en flux tendu
- La nécessité de diversifier les sources d’approvisionnement pour éviter les situations créées par la COVID-19 en Chine
Ces tendances nécessitent une infrastructure fonctionnelle qui implique les ports, les terminaux, les navires, les équipages, les transitaires, les douanes et les réceptionnaires. Ils représentent des maillons de la chaîne d’approvisionnement et il va sans dire que le dysfonctionnement d’un maillon met en péril la solidité et la cohérence de l’ensemble de la chaîne. Une fois la pandémie de COVID-19 passée, il conviendra de s’assurer que des protocoles appropriés sont en place pour faciliter le bon fonctionnement de chaque maillon. Ce n’est que grâce à une telle approche qu’il sera possible de réfléchir à cette période et d’estimer que des leçons ont été tirées pour soutenir les impacts des épidémies à l’avenir.
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