Auteur :
Marco Ricceri
Secrétaire général, Eurispes – Istituto di Studi Politici Economici e Sociali
Date: 03.02.2021
Lecture: 16 min.
Les engagements du G20-2020 pour relancer le développement mondial
Dans la déclaration finale des chefs d’État et de gouvernement du G20 (2020), présidé par l’Arabie saoudite et qui s’est tenu à Riyad les 21 et 22 novembre 2020, les chefs d’État et de gouvernement ont pris, entre autres, des engagements spécifiques pour les secteurs du commerce international, des transports et des voyages, des investissements dans les infrastructures. Des engagements importants également pour les perspectives de relance du développement du bassin méditerranéen.
Par exemple, au point 12 du document, relatif au commerce, l’engagement de maintenir l’ouverture totale des marchés est clairement énoncé : « Le soutien du système commercial multilatéral est aujourd’hui plus important que jamais. Nous nous efforçons d’atteindre notre objectif de mettre en place un environnement commercial et d’investissement stable, prévisible, transparent, non discriminatoire, libre, équitable et bénéficiant à tous, et de maintenir nos marchés ouverts » (p. 3). Toujours au point 13, sur les transports et les voyages, un engagement similaire est énoncé, visant à assurer le maintien de l’ouverture du système : « Nous nous engageons à faire en sorte que les itinéraires de transport internationaux et les chaînes d’approvisionnement restent ouverts et sûrs et que les mesures restrictives liées à la COVID-19, concernant notamment les équipages des aéronefs et des navires, soient ciblées, proportionnées, transparentes, temporaires et conformes aux obligations en vertu des accords internationaux » (p. 4). Au point 15, sur les investissements dans les infrastructures, il est explicitement reconnu que :
Les infrastructures sont des facteurs de croissance et de prospérité qui jouent un rôle essentiel pour promouvoir la reprise économique et la résilience. Nous entérinons le Programme InfraTech de Riyad du G20, qui encourage l’utilisation de la technologie dans les infrastructures afin d’améliorer les décisions en matière d’investissements ainsi que l’optimisation des ressources et de promouvoir les investissements dans des infrastructures de qualité pour obtenir de meilleurs résultats sur les plans économique, social et environnemental
Dans la continuité de la Feuille de route du G20 sur les infrastructures considérées comme une catégorie d’actifs, nous accueillons avec satisfaction le rapport du G20 et de l’OCDE relatif à la coopération avec les investisseurs institutionnels et les gestionnaires d’actifs concernant l’investissement dans les infrastructures, qui reflète le point de vue des investisseurs sur les problématiques et les enjeux liés à l’investissement privé dans les infrastructures et présente des options pour y répondre. Nous nous réjouissons d’étudier les possibilités de poursuivre ce travail de façon flexible et non redondante par rapport à d’autres initiatives, avec la participation des banques multilatérales de développement et des organisations internationales intéressées. Nous ferons avancer les travaux en lien avec les Principes du G20 en matière d’investissements dans les infrastructures de qualité
Ces engagements sectoriels spécifiques s’inscrivent dans un cadre plus large de renforcement de la collaboration entre les États que le sommet du G20-2020 a confirmé comme étant la seule façon d’aller de l’avant pour faire face aux effets de la crise pandémique mondiale, « relever les défis actuels et permettre à tous de bénéficier des chances qu’offre le XXIe siècle » (Déclaration finale des chefs d’État et de gouvernement du G20, 2020). La valeur de cette orientation, qui introduit des éléments de positivité dans un cadre de compétition internationale jusqu’à présent caractérisé par de fortes tensions géopolitiques et géoéconomiques, avait été reconnue et sanctionnée par des engagements similaires pris, par exemple, lors du XIIe sommet de coordination des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, qui sont tous également membres du G20) qui s’est tenu à Moscou le 17 novembre 2020, quelques jours avant le sommet du G20. Après avoir reconnu le rôle de la coordination du G20 « en tant que premier forum de coopération économique internationale et d’action coordonnée visant à surmonter les défis mondiaux actuels » (XIIe sommet des BRICS de Moscou, 2020, par. 50), les États des BRICS, qui sont également très actifs dans le bassin méditerranéen, ont confirmé l’engagement d’intensifier leurs initiatives dans les principaux domaines de la relance : le renforcement du commerce, les politiques d’investissement dans les infrastructures, l’économie numérique et l’énergie. En particulier, en ce qui concerne le secteur des infrastructures, la décision a été prise d’organiser un centre de données et d’informations, auquel participent les cinq États membres, avec une « salle de données commune » (point 57) permettant d’avoir un aperçu à jour et partagé des principaux projets et demandes d’interventions infrastructurelles afin d’activer une collaboration rapide avec les opérateurs privés (partenariat public-privé, PPP) et en particulier avec le monde bancaire.
Enfin, il convient de souligner que la Déclaration finale des chefs d’État et de gouvernement du G20 (2020) rappelle également l’importance de certains signes de reprise de l’économie mondiale, bien que le cadre prévisionnel pour le futur proche reste marqué par une grande incertitude. Ainsi, le point 4 du document indique :
Si l’économie mondiale a connu une forte contraction en 2020 en raison des effets de la pandémie de COVID-19, l’activité économique dans le monde a partiellement repris avec la réouverture progressive de nos économies et les effets positifs de la concrétisation des mesures importantes que nous avons prises. Toutefois, la reprise est inégale, très incertaine et soumise à des risques accrus de ralentissement, y compris du fait d’une nouvelle vague de contaminations dans certaines économies incitant certains pays à réintroduire des mesures de restriction pour raison sanitaire
Une reprise sûre mais pleine d’incertitudes
Cette combinaison d’éléments d’incertitude et d’éléments de reprise sûre caractérise à ce stade les prévisions des grands centres économiques en ce qui concerne tant l’évolution des systèmes économiques dans leur ensemble que le secteur spécifique des transports et de la logistique. Voici quelques exemples significatifs.
Fonds monétaire international (FMI). Selon le dernier rapport du Fonds monétaire international sur la croissance économique (FMI, 2020), publié le 13 octobre 2020, l’économie mondiale enregistrera un recul de 4,4 % du PIB mondial à la fin de l’année 2020, soit une baisse légèrement moins importante que les -5,2 % attendus en juin dernier. Pour 2021, en revanche, un rebond de l’activité internationale est attendu avec une croissance de +5,2 %, à condition que le virus nous laisse du répit. Dans le cas contraire, les chiffres seront bien plus mauvais. D’ici 2025, on estime que la perte totale de production dans le monde s’élèvera à 28 000 milliards de dollars, un ralentissement sans précédent pour l’amélioration du niveau de vie moyen de la population mondiale. En fournissant ces données, le FMI met en évidence deux éléments importants. D’une part, les projections supposent que les mesures d’endiguement dues à la pandémie se poursuivront en 2021 et que la transmission du virus cessera partout d’ici fin 2022. D’autre part, l’économie reste toutefois soumise au risque de « rechute ».
En ce qui concerne la situation des différents États, le FMI souligne (2020) que chaque pays est confronté à des réactions économiques différentes qui ont beaucoup à voir avec les expériences faites dans des situations antérieures à la COVID-19. On estime donc que l’Europe, et surtout la zone euro, comme cela s’est produit lors de la précédente crise économique, semble cette fois encore perdre du terrain dans la phase de reprise par rapport aux États-Unis et à la Chine. En effet, selon le FMI, le produit intérieur brut de la zone euro chutera cette année de 8,3 %, tandis qu’aux États-Unis, la perte se limitera à 4,3 %, soit près de la moitié. Parmi les économies mondiales avancées, la Chine est le seul pays à enregistrer une croissance positive, qui atteindra même +1,9 % à la fin de l’année. Fin 2021, les États-Unis auront perdu un point de PIB, la zone euro presque trois, tandis que Pékin connaîtra un rebond égal à +8,2 %. Selon l’économiste en chef du FMI, Gita Gopinath, « cette crise est cependant loin d’être terminée… La sortie de cette calamité sera probablement longue, inégale et très incertaine » (2020).
Commission européenne. La Stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable, présentée par la Commission européenne le 17 septembre 2020, commence par ces prévisions : « Malgré une réaction forte, coordonnée et innovante au niveau national et au niveau de l’UE, de nombreuses incertitudes subsistent, notamment en ce qui concerne la durée de la crise et son incidence exacte sur nos vies et nos économies » (Commission européenne, 2020b). Selon les prévisions économiques européennes de l’été 2020, l’économie de la zone euro reculera de 8,7 % en 2020 pour ensuite enregistrer une reprise de +6,1 % en 2021, tandis que l’économie de l’UE reculera de 8,3 % en 2020 pour ensuite connaître une croissance de +5,8 % en 2021 » (Commission européenne, 2020a).
Srm-Intesa Sanpaolo. En ce qui concerne le secteur du transport maritime, les estimations présentées dans le septième rapport annuel « Italian Maritime Economy 2020 » par un centre d’études spécialisé italien faisant autorité, « Srm-Intesa Sanpaolo », montrent un déclin global de 4,4 % pour 2020, suivi d’une augmentation de 5 % pour 2021 (Srm-Intesa Sanpaolo, 2020). Le rapport a analysé l’impact de la COVID-19 sur le système logistico-maritime et les différents aspects avec lesquels le phénomène se manifeste, de la réduction des passages dans le canal de Suez à la nouvelle configuration du trafic mondial, jusqu’aux tendances les plus récentes des flux maritimes du commerce international.
En ce qui concerne le segment des conteneurs, « l’indicateur le plus proche du commerce international car il exprime principalement le trafic manufacturier » (Srm-Intesa Sanpaolo, 2020), le recul prévu en 2020 s’élève à 7,3 %, avec un total de 742 millions d’équivalents vingt pieds (EVP) traités dans les ports mondiaux, un chiffre similaire à 2017. En d’autres termes, le virus a fait disparaître les quatre dernières années de croissance du secteur, même si un rebond de 10 % et de 6,6 % est prévu en 2021 et 2022, respectivement. En prolongeant les prévisions jusqu’en 2024, la manutention de conteneurs dans les ports devrait croître à un taux annuel moyen de +3,5 % pour atteindre 951 millions d’EVP à la fin de la période de quatre ans. Au niveau mondial, la reprise est évaluée de la façon suivante : +2,3 % pour l’Europe, +3,3 % pour l’Afrique, +3,9 % pour l’Extrême-Orient, +4,5 % pour le Moyen-Orient et +2,3 % pour l’Amérique du Nord.
Le rapport italien sur l’économie maritime (2020) souligne, en particulier, que la Méditerranée représente toujours une voie de transit privilégiée pour le trafic de conteneurs, concentrant 27 % des quelque 500 services mondiaux réguliers par bateau. Concrètement, le canal de Suez, au cours des cinq premiers mois de 2020, n’a plus enregistré la croissance soutenue (à deux chiffres) de 2019 : contre une augmentation de 7 % du transit de navires (navires du secteur pétrolier +11 %, secteur sec +42 %), les porte-conteneurs ont enregistré une baisse de 15 %. Cette baisse a principalement deux causes, toutes deux imputables à la pandémie : la diminution des charges traitées par les navires et la baisse du prix du pétrole qui a conduit de nombreux porte-conteneurs à passer par le cap africain de Bonne-Espérance pour économiser les frais de péage : 52 mégaships, soit 5,1 % de tous les navires, ont préféré cette dernière route entre mars et juin 2020. Ce choix a conduit l’Autorité du canal de Suez à instaurer une réduction des frais de péage de 17 % pour les porte-conteneurs se dirigeant vers le sud, et de 50 à 70 % pour la route entre la côte Est des États-Unis, l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-Est. D’autres phénomènes significatifs sont apparus en relation avec une utilisation croissante de la route de l’Arctique (Route maritime du Nord, RMN ) qui, dans la période comprise entre janvier et avril 2020, a enregistré une augmentation des passages de 15 % par rapport à 2019 (le transporteur le plus actif est la compagnie chinoise COSCO) ainsi que la pratique du « slow steaming » : toujours dans un souci d’économie, les navires ont parcouru les routes à une vitesse plus lente.
Le nombre élevé de « blank sailing », routes annulées par manque de marchandises, qui ont concerné toutes les routes principales est également significatif (Srm-Intesa Sanpaolo, 2020). Le phénomène a atteint une valeur de 2,7 millions d’EVP à la fin du mois de mai 2020, soit 11,6 % de la capacité totale. Srm-Intensa Sanpaolo (2020) estime à 7 millions le nombre d’EVP perdus au niveau mondial d’ici fin 2020. La COVID-19 a également eu un impact significatif sur l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route » : sur 2 951 projets d’une valeur de 3,87 trillions de dollars, 20 % sont « sérieusement affectés » (il convient de noter que l’import-export entre les pays concernés par l’ICR représente 65 % du volume des échanges avec l’Union européenne). Dans le même temps, une augmentation significative du transport ferroviaire entre la Chine et l’Europe et vice-versa a été observée. En juillet, le nombre de trains de marchandises a atteint le record de 1 232 trains, une augmentation de 68 % par rapport à juillet 2019. Le document de Srm-Intensa Sanpaolo (2020) rapporte que selon les autorités ferroviaires chinoises, « le transport ferroviaire a eu un rôle décisif dans la stabilisation de la chaîne de la logistique internationale interrompue par la pandémie ».
Mondialisation et régionalisation : de profonds changements dans les chaînes d’approvisionnement
À l’occasion de la présentation officielle du rapport sur l’économie maritime italienne 2020, le directeur général du centre italien Srm, Massimo de Andreis, a mis en évidence un élément qui revêt une importance particulière pour le bassin méditerranéen, à savoir la régionalisation de la mondialisation. Dans le rapport (2020), de Andreis déclare :
Nous expliquons comment la pandémie modifie la géographie des relations économiques mondiales vues à travers le prisme du trafic maritime. Les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis vues depuis la route du Pacifique, le ralentissement de l’initiative « la Ceinture et la Route » et des exportations chinoises, l’impact sur le canal de Suez et l’émergence de routes alternatives sont des éléments qui affectent aussi directement les scénarios méditerranéens…. Nous sommes entrés dans une phase de régionalisation de la mondialisation et l’importance stratégique d’investir dans des ports et une logistique efficaces et intégrés aux réseaux européens apparaît clairement.
La régionalisation de la mondialisation est un processus qui fait désormais l’objet d’une évaluation minutieuse et généralisée au niveau international pour ses implications géopolitiques et géoéconomiques complexes, dans ce dernier cas également en référence à une organisation différente des chaînes de valeur mondiales en cours.
Sur un plan théorique général, les chercheurs se demandent, par exemple, quelle relation existe entre les deux processus, la globalisation économique et la création d’espaces économiques régionaux. La conclusion la plus partagée est que les deux processus sont fortement liés. En effet, c’est le processus de globalisation, qui pousse à l’ouverture et aux échanges, avec la réduction des coûts et des droits de douane, l’organisation des chaînes d’approvisionnement au-delà des frontières et l’intégration des marchés (selon les principes de Bretton Woods), qui a favorisé le développement des zones les plus diverses du monde, favorisant la prise de conscience des valeurs et des opportunités présentes et à saisir dans les différents systèmes régionaux, incités par conséquent à promouvoir leurs processus autonomes de développement économique.
D’autre part, il ressort clairement que si les différents États se réfèrent depuis un certain temps déjà aux processus de mondialisation dans leurs politiques de développement, de la même manière, les nouvelles réalités régionales se réfèrent également à ces processus au sein desquels elles tentent de représenter au mieux leurs besoins, de trouver leurs propres aménagements, de s’intégrer. En d’autres termes, si la mondialisation engendre la régionalisation, inversement, la régionalisation renforce et qualifie les processus d’intégration mondiale. Le soi-disant « monde régional » ou, de manière plus précise, le « nouvel ordre des mondes régionaux » (Barbieri, 2019), n’est pas, par essence, un monde moins mondialisé. C’est, au contraire, un monde dans lequel la mondialisation se consolide davantage et qui est comme contraint d’assumer de nouveaux principes, valeurs, éléments directeurs et de reconnaître le rôle de nouveaux protagonistes. C’est dans ce nouveau cadre qu’il est demandé à tous les acteurs, publics comme privés, de créer de nouveaux modes d’interaction, d’identifier et de poursuivre de nouvelles approches de croissance individuelle et collective.
Ce processus de régionalisation géopolitique et géoéconomique a émergé depuis un certain temps, bien avant la pandémie, mais la crise liée à la COVID-19 est certainement destinée à l’accentuer encore davantage. En évaluant les réponses possibles des multinationales au choc et aux risques de la crise engendrée par la pandémie, un récent rapport de l’Economist Intelligence Unit (EIU) (2020) souligne que l’une des principales conséquences sera la régionalisation des chaînes d’approvisionnement mondiales. « La COVID-19 va fondamentalement remodeler le commerce, en accélérant la tendance au raccourcissement des chaînes d’approvisionnement. La fabrication en flux tendu faisant appel à des fournisseurs mondiaux cédera la place à une plus grande attention portée à l’utilisation des chaînes d’approvisionnement régionales, à l’utilisation stratégique des stocks et à une nouvelle approche de la visualisation des risques par les dirigeants » (EIU, 2020).
Les avantages productifs et commerciaux dont les multinationales ont pu bénéficier ces dernières années, notamment dans leurs relations avec la Chine, après l’adhésion de ce pays à l’OMC en 2001, vont diminuer considérablement en raison des tensions commerciales, par exemple entre les États-Unis et la Chine, et de l’augmentation des niveaux de salaire au sein du système chinois, une situation qui a déjà conduit plusieurs multinationales à délocaliser leurs chaînes d’approvisionnement vers d’autres régions d’Asie. Mais ces décisions ne sont qu’un premier signe des effets que produira la pandémie de COVID-19.
Cette situation présage de ce qui se passera dans d’autres régions, les multinationales cherchant à intégrer la résilience dans leurs chaînes d’approvisionnement. En créant des chaînes d’approvisionnement régionales quasi indépendantes en Amérique et en Europe, une multinationale se protège contre les chocs futurs de son réseau. Les entreprises qui peuvent déjà se le permettre ont pu déplacer la production de composants clés d’une région à l’autre au fur et à mesure des fermetures d’usines dues au coronavirus. Les chaînes d’approvisionnement sont difficiles à mettre en place et encore plus difficiles à déplacer. Par conséquent, comme de plus en plus d’entreprises choisissent cette option, le passage à des chaînes d’approvisionnement régionalisées sera un résultat durable de cette crise. (EIU, 2020).
À cela s’ajoute la nécessité d’optimiser le transport et le stockage pour atténuer les risques.
La question d’une chaîne d’approvisionnement mondialisée ou régionale n’est pas la seule préoccupation découlant de la COVID-19. Une autre décision essentielle pour les multinationales concerne le calendrier de production et d’assemblage des produits au sein de la chaîne d’approvisionnement et, par conséquent, le stockage des biens intermédiaires ou finaux tout au long de ce processus. Dans un souci d’efficacité, les multinationales ont tendance à optimiser le processus logistique de leurs chaînes d’approvisionnement afin de minimiser les coûts de stockage. Cependant, dans un monde où l’incertitude et le risque sont de plus en plus présents, se concentrer uniquement sur l’efficacité du transport et de la production expose les entreprises aux chocs. Dans le contexte de la crise actuelle, les entreprises considèrent qu’il est plus intéressant de regrouper les stocks dans des endroits stratégiques d’où ils peuvent être facilement accessibles et livrés aux clients. Cette approche s’applique aux biens finaux mais aussi aux composants stratégiquement importants, tels que ceux qui ne peuvent être obtenus que sur un seul marché (EIU, 2020).
Le budget du CFP de l’UE 2021-2027 : une réponse possible du bassin méditerranéen
Face à ces perspectives, qui sont en partie le témoignage de grands mouvements déjà en cours, quelle réponse peut apporter le bassin méditerranéen et, en particulier, son système de transport et de logistique ? Il est clair qu’une réponse valable ne peut venir que si les États de la région et leurs institutions internationales de référence sont en mesure d’offrir aux acteurs mondiaux une plateforme valable, concrète, bien vérifiable, avec des opportunités et des avantages dans son contenu, capable de démontrer au monde la volonté de surmonter la grave fragmentation survenue ces derniers temps et de reprendre le processus d’intégration communautaire du bassin méditerranéen.
Une grande opportunité dans ce sens est offerte, par exemple, par les engagements que tous les États du bassin méditerranéen, et pas seulement de cette région, ont assumés et confirmés à plusieurs reprises avec l’approbation de l’Agenda 2030 des Nations Unies pour le développement durable. La plateforme présente des objectifs et des tâches précis à réaliser dans les dimensions économique, sociale et environnementale et se trouve actuellement dans une phase de pleine mise en œuvre. Elle pourrait donc permettre d’organiser une table de travail commune entre tous les États du bassin méditerranéen visant à identifier et à définir des interventions de nature générale et spécifique, systémiques et non fragmentées, avec des stratégies et des plans convenus dans les principaux domaines de promotion de la croissance commune durable, parmi lesquels les plans pour l’économie maritime, le transport et la logistique sont fondamentaux.
Une autre grande opportunité est offerte par les décisions, en cours de définition dans les derniers mois de l’année 2020, que l’Union européenne pourra prendre avec l’approbation du budget du Cadre financier pluriannuel 2021-2027 (CFP) et la mise à jour des règlements concernés afin d’établir des conditions favorables à la promotion d’une véritable coopération organique dans le bassin méditerranéen. Dans le document, en cours de discussion, la conscience de la nécessité d’agir dans cette direction est claire :
Le budget de l’UE pour l’action extérieure visant à développer la coopération avec les pays voisins n’est pas suffisant par rapport à l’ampleur des besoins en infrastructures et technologies pour connecter ces régions au réseau européen. Il est donc vital d’investir dans des domaines où l’Union peut offrir une réelle valeur ajoutée européenne aux dépenses publiques au niveau national. La mise en commun et le mélange des ressources peuvent permettre d’obtenir des résultats bénéfiques pour la coopération entre l’UE et ses pays voisins, qui doivent tirer pleinement parti des possibilités offertes par le marché unique. La mise en commun des ressources nous permet également de faire davantage, notamment en favorisant les investissements stratégiques clés (Commission européenne, 2018).
Cette référence à la nécessité d’infrastructures de connexion avec les pays voisins montre la grande pertinence, encore aujourd’hui, des déclarations que Layola De Palacio, commissaire européenne aux transports, a faites en 2005 à l’occasion de la présentation du rapport sur l’Europe élargie :
Un système de transport performant reliant l’Union européenne (UE) et les pays voisins est essentiel pour une croissance économique durable et le bien-être de tous les citoyens de cette partie du monde. Une meilleure intégration des réseaux nationaux favorisera la coopération et l’intégration régionales non seulement entre l’UE et ses voisins, mais aussi entre les pays voisins eux-mêmes. En outre, de bonnes liaisons de transport dans l’UE et dans les pays voisins sont importantes pour le commerce avec l’Asie, l’Afrique subsaharienne ou l’Amérique. En bref, l’amélioration des liaisons de transport serait dans l’intérêt mutuel de l’Union européenne et de ses pays partenaires voisins.
Les lignes directrices définies dans ces deux documents confirment que l’Union européenne, avec l’approbation du nouveau cadre financier pluriannuel 2021-2027 et la mise à jour des plans et règlements concernés, présente l’opportunité concrète de donner une nouvelle direction et une impulsion différente à la coopération euro-méditerranéenne, toutes deux devant se fonder sur des pratiques de partage réel des objectifs stratégiques à poursuivre, sur une coordination efficace entre les politiques et les plans européens dans le secteur des transports et de la logistique, les plans nationaux, le plan d’action régional de transport (PART) et les projets sectoriels y afférents, les plans élaborés par le partenariat euro-méditerranéen.
Dans ce contexte, il serait souhaitable et approprié de lancer un examen approfondi de l’approche suivie jusqu’à présent par les programmes relatifs aux réseaux des principaux corridors des réseaux transeuropéens de transport (RTE-T), principalement orientés vers les besoins du marché intérieur européen, afin de les projeter et de les intégrer aux programmes connexes du Réseau transméditerranéen de transport (RTM-T), déjà esquissé depuis un certain temps par le Forum euro-méditerranéen des transports, tant pour la partie occidentale que pour la partie orientale de la Méditerranée.
À cette fin, il serait utile : a) d’organiser un secrétariat permanent sur les transports en Méditerranée comme instrument de soutien au fonctionnement du Forum euro-méditerranéen, sur la base également des expériences réalisées par le Centre d’études des transports pour la Méditerranée occidentale (CETMO) qui opère depuis un certain temps au service du Groupe des ministres des Transports de la Méditerranée occidentale (GTMO 5+) ; b) en outre, d’établir un lien entre les différents fonds européens opérant dans le cadre des politiques de coopération et de voisinage, notamment le fonds Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) RTE-T pour l’intermodalité et les plateformes logistiques à étendre à tous les pays méditerranéens, les fonds pour les projets d’autoroutes de la mer (AdM) et les fonds déjà opérationnels à la disposition de la Banque européenne d’investissement (BEI).
Un éventuel choix stratégique de l’Union européenne pour l’interopérabilité entre les deux grands systèmes de réseaux, européen et méditerranéen, soutenu par le consensus de tous les États intéressés, enverrait un message très important quant à la volonté de promouvoir un effort commun dans tout le bassin méditerranéen afin de contrer les effets de la pandémie, de lancer des initiatives efficaces, étendues et partagées en matière de développement durable et d’offrir de nouvelles opportunités aux grands acteurs internationaux. Il ne fait aucun doute qu’un tel revirement aiderait grandement la communauté des États du bassin méditerranéen à réagir positivement et efficacement aux défis des nouveaux processus de régionalisation du système mondial.
Références
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