Auteur :
Olivier Meynot
Chargé de missions à la Direction générale de l’Aviation civile en France – Accords européens de transport aérien. Ministère de la Transition Écologique
Date : 10.02.2021
Lecture : 8 min.
Pour assurer une reprise durable et le développement du transport aérien en Méditerranée occidentale, la libéralisation pure et simple des droits de trafic est insuffisante : pour être bénéfique à l’ensemble des acteurs et des utilisateurs du transport aérien, la mise en place d’un marché aérien unique en Méditerranée occidentale repose nécessairement sur l’harmonisation des réglementations qui s’appliquent au transport aérien.
La libéralisation n’est pas une fin en soi, mais un outil au service de la connectivité, de l’économie, et du rapprochement des peuples. En lançant officiellement le 29 janvier 2018 le Marché Unique du Transport Aérien Africain, le MUTAA, l’Union Africaine (UA) ne se contente pas de relancer le processus de libéralisation du transport aérien en Afrique, initié dès 1999 avec la Décision de Yamoussoukro, elle se dote d’un outil indispensable à la réalisation de l’Agenda 2063 comme le sont les autres projets phares de l’Agenda 2063, notamment la zone de libre-échange continentale africaine (à laquelle ont adhéré 44 pays africains en mars 2018), le passeport africain ou la libre circulation des personnes (le Protocole au Traité instituant la Communauté économique africaine, relatif à la libre circulation des personnes, au droit de résidence et au droit d’établissement, a été adopté en janvier 2018).
Cependant, pour que les bénéfices de la libéralisation du transport aérien soient optimums et durables, la libéralisation doit s’inscrire dans une démarche progressive et globale : l’ouverture des marchés aériens entre pays de la Méditerranée occidentale devrait se réaliser par étapes et être accompagnée, en parallèle, de l’harmonisation des règles applicables au transport aérien. Cette dernière permet d’assurer aux voyageurs et aux chargeurs (transport de fret) des conditions uniformes de voyage et apporte la garantie de niveaux de sécurité et sûreté aériennes élevés ; elle assure, d’autre part, aux opérateurs un environnement concurrentiel loyal et des services, comme par exemple ceux de la navigation aérienne, performants au meilleur coût.
Cette approche globale et progressive a été suivie par l’Union européenne dans les années 1990, et plus récemment par l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) dont le marché unique pour l’aviation a fait ses premiers pas il y a une quinzaine d’années. La création d’une forme de marché unique du transport aérien pour la Méditerranée occidentale pourrait être l’aboutissement d’une démarche similaire intégrant et impliquant les dix pays concernés. Mais le premier défi à relever est celui de l’accompagnement d’un secteur du transport aérien dévasté par la crise sanitaire.
Les effets dévastateurs de la pandémie de Covid-19 sur le secteur du transport aérien
Le secteur du transport aérien, qui connaissait une croissance ininterrompue depuis de nombreuses années et était promis selon les prévisionnistes à un avenir sans nuage pour les prochaines décennies, est confronté avec la pandémie de Covid-19 à un choc d’une violence inouïe et ne devrait pas retrouver son niveau d’activité observé en 2019 avant au moins 2024.
A l’occasion de sa 76ème Assemblée générale, le 24 novembre 2020, l’Association Internationale du Transport Aérien (IATA), qui regroupe 290 compagnies aériennes, a actualisé ses prévisions concernant l’impact de la crise. Les chiffres pour 2020 sont vertigineux : un nombre de passagers en recul de 66 % par rapport à 2019, un chiffre d’affaire des transporteurs aériens estimé à 328 milliards de dollars en baisse de 60,9 % par rapport à l’année précédente (838 milliards de dollars), des pertes désormais évaluées à 118,5 milliards de dollars, contre « seulement » 84,3 estimées en juin, un endettement des transporteurs aériens passant de 430 milliards de dollars en 2019 à 651 milliards en 2020, etc…
Côté aéroports, le tableau n’est pas plus réjouissant. Selon Airports Council International Europe (ACI Europe), qui représente près de 500 aéroports situés dans 46 pays européens, le trafic au 15 novembre accusait déjà un recul de 1,5 milliard de passagers par rapport à son niveau de 2019. Dans ces conditions, ACI Europe estime que plus de 190 aéroports présenteraient des risques d’insolvabilité. Quant aux modalités de la reprise, ACI Europe fait preuve d’une grande prudence redoutant des changements durables dans les habitudes de voyage.
Si la perspective d’un vaccin efficace a redonné des couleurs aux cours de bourse des compagnies aériennes, IATA table sur une année 2021 difficile avec des pertes estimées à 38,7 milliards de dollars, et ne prévoit pas un retour du trafic aérien au niveau de 2019 avant 2024 et sous certaines conditions, notamment l’efficacité du vaccin.
Dans ce contexte, l’ouverture des marchés entre les pays de la Méditerranée occidentale apparait comme un élément facilitateur pour relancer le transport aérien de passagers et de fret dans cette zone. A plus long terme, la création d’un marché aérien unique devrait intégrer une dimension supplémentaire : la convergence des réglementations seule à même d’assurer un développement harmonieux, durable et sûr du transport aérien. Il s’agit d’une démarche globale et progressive, comme l’a été et continue à l’être la construction du marché européen unique du transport aérien, ou la mise en place d’espaces aériens communs avec les pays voisins de l’Union européenne créés par le biais d’accords aériens européens spécifiques.
L’ouverture des marchés entre les pays de la Méditerranée occidentale apparait comme un élément facilitateur pour relancer le transport aérien de passagers et de fret dans cette zone.
Une approche globale et progressive : l’exemple de la construction du marché aérien unique européen
Le marché intérieur de l’Union européenne, commun aux vingt-sept Etats membres de l’Union européenne, ainsi qu’à l’Islande, au Liechtenstein et à la Norvège qui y sont pleinement associés par l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE), permet aux transporteurs aériens disposant d’une licence de transporteur aérien délivrée par l’un de ces trente Etats d’exploiter librement des services entre tous les aéroports de cet espace, y compris en cabotage, sans limitation aucune (routes, fréquences ou capacité) et pour lesquels les transporteurs disposent d’une entière liberté tarifaire.
La construction de ce marché unique de l’aviation, achevée en 1997 en ce qui concerne la libéralisation qui intègre le « cabotage », s’est accompagnée d’une harmonisation complète des règles applicables au transport aérien, qu’il s’agisse de sécurité, de sûreté, de gestion du trafic aérien, d’attribution de créneaux horaires, d’assurances, de concurrence, d’environnement, de protection des consommateurs, du temps de travail des personnels navigant, etc. L’ensemble des acteurs de la chaine du transport aérien appliquent donc les mêmes règles, au profit non seulement des passagers et des chargeurs qui ont l’assurance de bénéficier d’un transport aérien de qualité avec la mise en œuvre de normes parmi les plus exigeantes, mais aussi des transporteurs aériens et des aéroports qui évoluent dans un univers où la concurrence est loyale, les règles étant les mêmes pour tous, et le services rendus toujours plus efficients.
La libéralisation du transport aérien au sein de l’Union européenne s’est traduite par un accroissement de la connectivité, une diversification de l’offre, une baisse des tarifs et donc un accroissement du trafic. Il y a aujourd’hui quatre fois plus de routes (ou paires de villes desservies) qu’en 1992, début du processus de libéralisation, et huit fois plus de routes où au moins trois transporteurs sont en concurrence, au bénéfice des usagers du transport aérien (données : Commission européenne).
Le marché unique de l’aviation de l’Union européenne a été étendu aux six pays des Balkans de l’Ouest (Albanie, Bosnie et Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro et Serbie) avec l’accord créant un Espace Aérien Commun Européen (accord EACE), signé en 2006. Cet espace regroupe non seulement les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne et les six Etats des Balkans de l’Ouest, mais aussi l’Islande et la Norvège. Trente-cinq Etat qui partageront, à terme, les mêmes règles pour le transport aérien dans un espace totalement libre d’accès aux compagnies aériennes titulaires d’une licence de transporteur délivrée par l’un d’eux. Toutefois, l’intégration des Balkans de l’Ouest à l’espace aérien unique est progressive et conditionnelle ; deux rendez-vous sont prévus par l’accord pour s’assurer de la transposition en droit interne et de la mise en œuvre, par les pays des Balkans, d’une liste prédéfinie dans l’accord de normes européennes ; à chaque étape, de nouveaux droits sont ouverts aux transporteurs aériens. Entre 2006 et 2018, le nombre de routes entre l’Union européenne et les pays des Balkans de l’Ouest a été multiplié par trois (données : Commission européenne).
Pour autant, il n’est pas nécessaire d’aller aussi loin dans l’harmonisation des réglementations entre pays européens et pays du Maghreb composant la Méditerranée occidentale dans la mesure où l’accord EACE s’inscrit dans un processus d’intégration progressive des pays des Balkans de l’Ouest à l’Union européenne, synonyme de reprise in extenso de l’acquis européen.
S’inspirer de cette démarche globale et progressive pour construire le « marché aérien unique pour la Méditerranée occidentale »
La création d’un « marché aérien unique pour la Méditerranée occidentale » devrait s’appuyer sur les mêmes principes : une ouverture graduelle des marchés corrélée à un certain degré d’harmonisation des règles applicable au transport aérien. Cette construction pourrait s’envisager comme une démarche progressive, dont la première étape serait la conclusion d’accords du type « euro-méditerranéen relatifs aux services aériens » entre chacun des Etats du Maghreb et l’Union européenne ; en parallèle, les Etats du Maghreb pourraient ensemble poursuivre l’ouverture de leurs marchés dans l’esprit de la décision de Yamoussoukro (1999) et dans le cadre plus général de la mise en place du Marché Unique du Transport Aérien Africain.
S’agissant des relations Nord-Sud
L’Union européenne s’est d’ores et déjà engagée dans la voie de l’ouverture de son marché de l’aviation avec certains des pays du Maghreb dans le cadre de la mise en œuvre de sa politique extérieure en matière de transport aérien dédiée aux « pays du voisinage ». Cette politique concerne l’Algérie, la Lybie, le Maroc et la Tunisie.
Ainsi, depuis 2006 « l’accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part » fixe les conditions de l’exploitation des services ariens commerciaux entre le Royaume du Maroc et les vingt-sept pays de l’Union européenne. Les services aériens sont d’ores et déjà largement ouverts, avec la possibilité pour les transporteurs aériens marocains et européens d’exploiter sans limite des services aériens entre tout aéroport du Royaume et tout aéroport de l’Union européenne. Cette ouverture des marchés s’accompagne d’un processus d’harmonisation des réglementations dans plusieurs domaines du transport aérien, sans aller aussi loin que l’intégration prévue par l’accord EACE. A terme, lorsque le comité mixte, instance en charge de la gestion de l’accord, aura confirmé la mise en œuvre par le Maroc de l’ensemble de la réglementation relative au transport aérien prévue par le Traité, les transporteurs aériens bénéficieront d’opportunités supplémentaires (i.e. certains droits de 5ème liberté, notamment à l’intérieur de l’Union européenne pour les transporteurs marocains).
Depuis la mise en œuvre fin 2006 de cet accord avec le Maroc, le nombre de paires de villes desservies a doublé (198 liaisons différentes entre le Maroc et l’Union européenne en 2018), le prix moyen des billets a baissé de plus de 60 % et le nombre de passagers a été multiplié par deux pour atteindre 15 millions de voyageurs en 2018 (données : Commission européenne).
La signature d’un accord similaire entre la Tunisie et l’Union européenne, dont le texte a été paraphé en novembre 2017, devrait enfin intervenir en 2021, ce retard étant imputable à des problèmes juridiques internes à l’Union européenne. La philosophie de cet accord reste la même que celle qui a prévalu à l’élaboration de l’accord avec le Maroc, à savoir une ouverture des marchés conditionnée à un certain degré d’harmonisation des règles applicables au transport aérien. Des arrangements ont été trouvés pour assurer une transition douce entre la situation actuelle et l’ouverture totale du marché entre la Tunisie et l’Union européenne afin d’accompagner les efforts d’adaptation des transporteurs aériens tunisiens à cette situation nouvelle.
La Commission européenne dispose également, depuis 2008, d’un « mandat de négociation » pour l’Algérie, c’est-à-dire d’une autorisation délivrée par le Conseil de l’Union européenne et par les Etats membres de l’Union pour ouvrir des négociations avec l’Algérie sur un accord européen de transport aérien. Des négociations pourraient donc potentiellement s’ouvrir entre l’Algérie et l’Union européenne, sur les bases d’un accord reprenant les mêmes principes que les deux précédents, dès lors que les deux Parties y seraient prêtes.
S’agissant des deux autres pays du Maghreb, la Libye qui dispose du statut d’observateur au sein de « l’Union pour la Méditerranée » et est concernée par la politique de voisinage de l’Union européenne, et la Mauritanie qui elle n’est pas intégrée à cette politique, les relations avec l’Union européenne dans le domaine du transport aérien restent à définir, d’autant que l’intensité du trafic entre ces deux Etats et les pays membres de l’Union européenne reste marginale.
Les quelques éléments chiffrés ci-dessous, permettent de mieux appréhender les priorités et les effets de la politique de l’Union européenne en matière d’aviation menée avec ses voisins de la Méditerranée orientale (sources : Eurostat) :
2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | |
Algérie | 4,767,772 | 5,036,314 | 5,337,257 | 5,538,734 | 5,394,335 | 5,213,326 |
Maroc | 7,902,589 | 7,800,398 | 7,864,422 | 8,825,896 | 9,779,788 | 11,048,632 |
Tunisie | 3,652,440 | 2,938,734 | 2,907,029 | 3,341,045 | 3,827,976 | 4,152,709 |
Si les économies du Maroc et de la Tunisie sont fortement tournées vers le tourisme, la progression du nombre de passagers entre le premier et les cinq Etats européens de Méditerranée occidentale est soutenue par les facilités offertes par l’accord européen qui permet à tous les transporteurs marocains et européens, notamment ceux dits à bas-coûts, d’exploiter toutes les routes possibles entre les aéroports du Maroc et ceux de l’Union européenne. A noter, les répercussions des évènements de 2015 sur le trafic touristique dans les deux pays. S’agissant plus spécialement de la Tunisie, le flux de passagers progresse d’une manière moins spectaculaire que pour le Maroc, les accords bilatéraux existants ne permettant généralement pas aux transporteurs à bas-coûts européens d’opérer au départ d’un Etat membre autre que celui qui lui a délivré sa licence de transporteur. La signature à venir de l’accord aérien entre la Tunisie et l’Union européenne permettra d’observer les effets de la libéralisation sur les flux de passagers. Enfin, dans le cas de l’Algérie, certains accords bilatéraux maintiennent des limitations et des conditions contraignantes sur le niveau d’accès au marché, ce qui vraisemblablement participe à la stagnation du trafic et au maintien de prix réputés plutôt élevés.
- Passengers 2019
- Espagne
- France
- Italie
- Malte
- Portugal
- Total
- Algérie
- 693,796
- 4,352,669
- 149,009
- :
- 17,852
- 5,213,326
- Libya
- :
- :
- :
- 4,180
- :
- 4,180
- Mauritania
- 1,242
- 38,883
- :
- :
- 61
- 40,186
- Morocco
- 2,355,411
- 6,706,645
- 1,412,533
- 18,788
- 555,255
- 11,048,632
- Tunisia
- 119,807
- 3,444,762
- 504,398
- 36,322
- 47,420
- 4,152,709
La Lybie et la Mauritanie sont des pays pour lesquels, vu le niveau actuel des flux aériens, la relation avec l’Union européenne dans le domaine du transport aérien reste à définir.
S’agissant des relations entre Etats du Maghreb
La Décision de Yamoussoukro de novembre 1999 débute par ces mots :
« Nous, ministres africains chargés de l’aviation civile réunis les 13 et 14 novembre 1999 à Yamoussoukro (Côte d’Ivoire), (…) adoptons la présente décision (…) :
La présente Décision établit un accord entre les Etats parties pour une libéralisation graduelle et progressive des services de transport aérien régulier et non régulier intra-africain. La présente Décision a préséance sur les dispositions des accords bilatéraux et multilatéraux sur les services aériens entre les Etats parties, qui lui sont incompatibles. »
A la libéralisation graduelle et progressive des services (les cinq premières libertés de l’air), sans limitation en termes de capacité ni de fréquences, éléments de base d’un marché unique, s’ajoute, et c’est notable, la possibilité pour un Etat de désigner une compagnie aérienne d’un autre Etat partie à la Décision de Yamoussoukro.
En 2018 sont venues s’ajouter deux annexes essentielles : l’Annexe 5 sur le Règlement sur la régulation de la concurrence dans les services de transport aérien en Afrique, et l’Annexe 6 sur la protection des consommateurs de services de transport aérien. Il faut sans doute y voir la preuve qu’un marché unique ne peut pas s’envisager sous le seul angle de la libéralisation, et qu’une convergence, ou mieux une harmonisation, de certaines règles est indispensable à son bon fonctionnement.
Le lancement officiel du Marché Unique du Transport Aérien Africain en janvier 2018, a inscrit la décision de Yamoussoukro dans le contexte de l’Agenda 2063 et relancé un processus de libéralisation entamé 20 ans auparavant. A ce jour, 34 Etats africains ont pris des « engagements solennels » envers le MUTAA, dont le Maroc, et 18 Etats ont déjà signé le « Protocole de mise en œuvre » visant à assurer la cohérence entre la Décision de Yamoussoukro et leurs accords bilatéraux de services aériens (source : site internet de la Commission africaine de l’aviation civile).
Dans l’avant-propos de l’édition 2018 de la Décision de Yamoussoukro (Marché Unique du Transport Aérien Africain – Vers un ciel unique africain), le Président de la Commission de l’Union africaine, M. Moussa Faki Mahamat, dit attendre de la mise en œuvre de la libéralisation du transport aérien en Afrique une plus grande connectivité, une « réduction massive des prix des billets d’avion », et un accroissement du trafic intra-africain du nombre de passagers et des volumes de fret, ce qui devrait améliorer la rentabilité des compagnies aériennes africaines. Ces propos sont étayés notamment par une étude d’InterVista « Transforming Intra-African Air Connectivity: « The Economic Benefits of Implementing the Yamoussoukro Decision ».
Il est vraisemblable que la mise en œuvre effective de la libéralisation mette au jour un besoin plus large d’harmonisation des réglementations. Ce besoin devrait apparaitre rapidement dans les domaines de la sécurité et de la sûreté aériennes, surtout lorsque des Etats auront recours à la possibilité de désigner des transporteurs aériens dont la surveillance réglementaire dans ces domaines est assurée par un autre Etat.
Par ailleurs, l’accroissement des flux présente des risques de saturation de l’espace aérien et des organismes de contrôle de la navigation aérienne. La recherche d’une meilleure efficacité dans ce domaine, notamment économique et environnementale (réduction des émissions de gaz à effet de serre), devrait se traduire par des coopérations toujours plus renforcées, dont l’une des étapes avancées pourrait être la construction de « blocs fonctionnels d’espace aérien », à l’instar de qui se passe dans l’Union européenne. Ces blocs fonctionnels d’espace aérien sont conçus pour remédier à la fragmentation de l’espace aérien, en organisant cet espace selon les flux plutôt qu’en fonction des frontières nationales. Un tel niveau de coopération entre pays, ou entre services de contrôle de la navigation aérienne, ne peut se concevoir que sur la base de réglementations fortement voire totalement harmonisées.
Pour mémoire, la coopération en matière de navigation aérienne traverse d’ores et déjà la Méditerranée, à l’image des partenariats établis entre le « FAB Blue Med », le bloc fonctionnel d’espace aérien méditerranéen qui réunit Chypre, la Grèce, l’Italie et Malte, et les fournisseurs de services de navigation aérienne de l’Egypte et de la Tunisie qui y participent en qualité de « partenaires associés », ainsi que le Royaume Hachémite de Jordanie qui a le statut d’observateur.
Le lancement officiel du Marché Unique du Transport Aérien Africain en janvier 2018, a inscrit la décision de Yamoussoukro dans le contexte de l’Agenda 2063 et relancé un processus de libéralisation entamé 20 ans auparavant. A ce jour, 34 Etats africains ont pris des « engagements solennels » envers le MUTAA, visant à assurer la cohérence entre la Décision de Yamoussoukro et leurs accords bilatéraux de services aériens.
Les premières briques de la libéralisation du transport aérien entre pays de la Méditerranée occidentale sont posées ; les prochaines étapes devraient voir le jour avec des avancées du MUTAA.
Accords européens avec certains pays du Maghreb, coopérations Nord-Sud, mise en œuvre progressive du Marché Unique du Transport Aérien Africain, toutes ces briques tracent le chemin d’une ouverture ordonnée du marché du transport aérien entre pays de la Méditerranée occidentale. Les prochaines étapes pourraient concerner de nouveaux accords entre l’Union européenne et pays du Maghreb, mais surtout des avancées concrètes dans la réalisation du MUTAA marqueraient un tournant décisif dans la démarche de la libéralisation des services de transport aérien.
Une étape symbolique a été franchie le 13 novembre dernier, lorsque l’Assemblée des Chefs d’Etats et de Gouvernements de l’Union Africaine a désigné la date du 14 novembre comme étant le jour anniversaire de la Décision de Yamoussoukro : the Yamoussoukro Decision day. Une étape symbolique certes, qui marque cependant l’engagement des Etats africains à aller de l’avant.
D’ailleurs, la crise sanitaire a renforcé ce besoin d’ouverture du marché africain comme l’a souligné, lors de cette Assemblée, Monsieur Ali Tounsi, Secrétaire Général d’Aiports Coucil International Africa. Son message était un vibrant plaidoyer en faveur du Marché Unique du Transport Aérien Africain, de la zone de libre-échange continentale africaine, et de la libre circulation des personnes ; des éléments qu’il juge nécessaires certes pour assurer un redressement de l’industrie du transport aérien dans une ère post-COVID-19, mais surtout plus largement qu’il estime indispensables pour le futur du continent africain (Institutional Message delivered by the Secretary General of ACI Africa on the occasion of the Yamoussoukro Decision Day 2020).
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